Arts martiaux, Aïki Do : Le sens (interdit) de l’efficacité

26/3/14

Source Agora.vox


Engagez vous, rengagez vous dans une salle d’arts martiaux : vous verrez du pays et les « vilains » frémir sur votre passage ! Que vous soyez jeune et belle, grand et fort. Ou pas. 

Tentant, non ? Vrai ? Plus ou moins. Le résultat de votre sueur et de vos larmes (de joie) sera indubitablement au rendez-vous mais il revêtira des formes inattendues. Celles-ci risquent toutefois d’être très éloignées du fantasme cinématographique incarné par Steven Seagall et autre Bruce Lee. 


 Pourtant votre oeil avait été attiré par d’alléchantes affiches : « Self defense pour tous », « L’art du combat au féminin », « Les techniques secrètes des moines de Shaolin, la victoire en trente leçons » ou bien encore « L’Aïkido ou comment utiliser la force de l’adversaire contre lui ». Tout ceci vous avait laissé le coeur et l’esprit battant la chamade au son des psalmodies bouddhistes, aussi exotiques que « zen », dans un monde de brutes.

Aïkido : que beaucoup ont traduit, avec un goût indéniable pour un marketing « tendance », « Voie » de l’harmonie et de l’énergie. En plein « Detox », donc paré pour la une de Elle ou de Marie Claire. 

Déjà, dans le faste - désormais loin derrière nous - des « Trente glorieuses », une fois passées les retombées d’Hiroshima et de Nagasaki , était vanté le Judo ou Voie de la souplesse. Certains Japonais comme le cinéaste Kurosawa Akira dans sa « Légende du grand judo » décriront d’ailleurs plutôt le Judo comme Voie de l’agilité succédant au Ju-Jitsu, « Art de l’agilité », dont la rugosité était devenue moins adaptée aux temps modernes. 

PIF GADGET

Les moins oublieux d’entre nous se souviendront assurément de la naissance, en 1969, dans les pages du magazine « Pif » du Docteur Justice, porté à l’écran quelques années plus tard par Christian-Jacque. 

Ce médecin globe-trotter, travaillant pour l’OMS (Organisation mondiale de la santé) n’était pas moins que 6e dan de Judo et faisait rêver les petits garçons grâce à son « cri qui tue » (Kiai) et ses coups de Karate (te katana, littéralement main de sabre), et s’évanouir les petites filles par sa mâle assurance et son sourire ravageur. 

Benjamin (c’est son prénom) est alors nimbé de l’enseignement de son recteur de conscience, maître Hiamuri, grand spécialiste de la résistance des matériaux, notamment du bois de roseau, comme Monsieur de La Fontaine avant lui. 

Bref, il existait bel et bien des techniques secrètes permettant de mettre à genoux des armoires à glace le couteau entre les dents d’un revers négligeant de la main ou d’un vif coup de hanche (Koshi Nage), ou encore de talon à bascule dans l’estomac (Sutemi) pour les plus récalcitrants d’entre eux ! Comme Noël n’existe pas au Pays du Soleil Levant, il faut l’inventer dare dare ….

Votre serviteur, n’écoutant que son libraire (un vieux métier oublié depuis…) pourvoyeur de Pif Gadget courrait ventre à terre à La Hutte (magasin de sport tombé également en désuétude) après avoir cassé sa tire lire d’un coup de Karate débutant et malhabile dans lequel il manquât de se fêler le poignet, pour s’offrir son premier kimono. Il a appris depuis qu’il s’agissait, en fait, d’un Keiko Gi. 

L’enfer commençait, pavé de bonnes intentions. Sous la direction improbable d’un maître diable nippon, cet enfer, a défaut d’être éternel, dure maintenant depuis un épais demi-siècle. Ce qui ne me rajeunit pas, certes. Mais a façonné, peut-être, un pratiquant aguerri.

Néanmoins, pour un tantinet affûté qu’il soit, l’auteur et un certain nombre de ses coreligionnaires demeurent dubitatifs sur l’efficacité photogénique de techniques pourtant travaillées sans relâche pendant plusieurs décennies. 

GOUROUS DE TOUS POILS

 

Ils font un maximum d’efforts pour masquer leur sourire devant le prosélytisme des gourous de tous poils, vantant - dans l’espoir de rentabilité - le caractère infranchissable des murailles érigées autour des pratiquant du Systema (russe) au Krav Maga (tchèque puis israélien) en passant par le Viet Vo Dao (vietnamien). 

Ces remparts martiaux se sont élevés au fil des années en bordure des Budô (Arts martiaux japonais), ils ont, bien sûr, leurs spécificités et qualités propres.

Mais de là à vous garantir une victoire absolue dans un combat de rue contre un King Kong désireux de jouer avec votre Iphone ou face à un as du surin voulant compléter sa collection de Mastercards Gold, il y a de la marge. Voire un monde. Même pour les très crédibles adeptes du MMA (Mixed Martial Art), puissants et violents dont les combats en ring grillagé font penser à ceux de Mad Max …

 

Souvenons nous, non sans humour, de cette scène des « Aventuriers de l’arche perdue » de Steven Spielberg, lors de laquelle Indiana Jones devant un janissaire muni de sabres virevoltants dans une chorégraphie intimidante, s’en débarrasse d’un seul coup de revolver. Il faut se rendre à l’évidence : il n’y a plus d’hommes forts depuis que les chinois ont inventé la poudre….

En revanche, les Arts martiaux, car il s’agit bien d’arts, peuvent totalement changer votre vie. De façon durable, dense et profonde.

Physiquement : ils vous apporteront souplesse, résistance à l’effort, maîtrise du corps et de ses petits bobos. Ils vous apprendront aussi à respirer et vous aideront à chasser une bonne partie de vos peurs (le terme actuel est « stress »…).

Les Arts martiaux affûteront votre coup d’oeil, vous donneront et/ou augmenteront votre sens de l’anticipation. Vous insuffleront un air nouveau, feront couler un sang neuf dans vos veines. Sans doute, la direction des gestes martiaux s’imposera plus qu’une banale gymnastique. 

Le grand maître d’Aïkido, Osawa Kisaburo, disciple du fondateur de l’Aïkido, Morihei Ueshiba, avait cette définition simple et pleine de son art martial. Quand on lui demandait ce qu’était l’Aïkido, il disait ceci « C’est élargir notre champs de vision ». Limpide. (cf : Documents www.aikidosansfrontieres.com)

HORLOGER

Ainsi, la pratique des arts martiaux, au delà de leur apport physique, vous permettront peut-être, et cela est éminemment souhaitable, de gérer vos rapports humains au quotidien. Avec vos proches, votre famille et aussi dans votre vie professionnelle. 

Comprendre que la pratique est âpre, compliquée avant de devenir extrêmement simple, pour vous comme pour vos partenaires d’entrainement. C’est une voie royale vers la tolérance et le détachement, sans pour autant tomber dans la « gouroutisation ». 

Providentiels : les Arts martiaux dédramatisent le combat quotidien, si cruellement réel, du « struggle for life », ceci étant devenu un pain quotidien si dur à avaler, à digérer. 

Ils éloignent le médecin et ses pilules. Ils sont plus qu’un« sport », vous l’avez compris. Ils sont des « pratiques ».


 Quand l’élève est prêt, dit-on, le maître apparaît. De fait, le passeur, l’enseignant sera le plus difficile à trouver. C’est dans une alchimie très humaine que tient le succès de la démarche. Et nombreuses seront les sirènes car les Arts martiaux ont été de tous temps, outre des joyaux, également des marchandises dont les "commerciaux" vantent "l’efficacité".

A mains nues, cette notion d’efficacité est incontestablement subjective. Même si les Arts martiaux et leurs techniques sont d’une précision d’horloger.

Paraphrasant l’aphorisme sur le théâtre d’Olivier Py, dramaturge et directeur du festival d’Avignon, sans doute peut-on se hasarder à dire que les Arts martiaux sont une « pendule exacte mais qui ne donne pas l’heure ». En tout cas pas la même heure à tout le monde.



Source Agora.vox




Bryaxis.webador.fr
 

Partagez sur les réseaux sociaux

Catégories

Autres publications pouvant vous intéresser :

Commentaires :

Laisser un commentaire
Aucun commentaire n'a été laissé pour le moment... Soyez le premier !



Créer un site
Créer un site