Un rempart contre peurs et douleurs ? L’Aïkido … Naturellement !

28/5/13

source AGORA.VOX



« A craindre ce que nous allons vivre, nous finissons par vivre ce que nous craignons », disait Michel de Montaigne, fort longtemps avant la crise économique et sociale anxiogène que subit aujourd’hui notre monde. Ce penseur français du 16e siècle proposait de vivre l’instant présent avec plénitude, sans peurs ni douleurs.

Montaigne appelait également à faire la part belle aux sensations naturelles.« C'est une perfection absolue et pour ainsi dire divine que de savoir jouir loyalement de son être5. », relevait l’ami personnel d’Henri IV.

Bien des siècles plus tard, et à des milliers de kilomètres de là, un vieux monsieur, sorte de père Noël à mi chemin entre le moine et le samouraï, mettait en musique un savoir ancestral dans lequel l’attitude naturelle du corps humain le dispute à la logique. Un remède salutaire.

Bien sûr, la « potion » Aïkido (littéralement voie de la concordance et de l’énergie) a évolué depuis que Morihei Ueshiba en a défini la composition, autour de 1920, mais son effet global perdure.

En accord avec Montaigne, et probablement sans avoir conscience de cette concordance, le Fondateur - nourri au Bouddhisme et aux principes Shinto – soigne les peurs et les douleurs en priorisant l’instant présent.

« La douleur, le pire des maux », comme la qualifie le poète britannique John Milton dans son recueil « Le Paradis perdu », publié en 1667. Deux cents ans plus tard, son homologue américaine, Emily Dickinson écrira : « Le cœur demande du plaisir d’abord et puis que la douleur l’épargne » …

 

LE CŒUR DEMANDE DU PLAISIR

Et la peur légitime de la douleur trouve son siège dans le passé et dans le futur. Mais non dans le présent. Nous avons peur de ce qui va advenir en nous appuyant sur le souvenir d’une douleur connue dans le passé.

Considérant ceci comme primordial, l’Aïkido, ainsi que les autres arts martiaux, ne peuvent se pratiquer harmonieusement que dans l’instant, la spontanéité. Toute anticipation apprêtée ou artificielle du mouvement, de même que tout retard de celui-ci brise l’harmonie entre ses pratiquants. La peur d’avoir mal n’engendre pas la fluidité et encore moins le plaisir.

L’étude vise donc à acquérir et partager et surtout « ressentir » un rythme commun, passage obligé, et ô combien agréable, de toute pratique martiale.

Et si l’on en croit Antonio Damasio, directeur de l’Institut pour l’étude neurologique de l’émotion et de la créativité de l’Université de la Californie méridionale : « Ressentir est la première manifestation de la conscience dans le monde du vivant ». Ce qui est on ne peut plus… naturel.

Cette priorité donnée au moment présent, à son ressenti, permet d’échapper à l’angoisse d’un avenir, dont le déroulement sera, de toute façon, inéluctable. La peur n’évite pas le danger, selon le dicton populaire.

Nous voyons ici les effets bénéfiques que cela peut avoir alors que nul ne possède désormais, dans la brutalité d’un quotidien déchiqueté par la crise, l’assurance de la sécurité du lendemain. A moins d’être un puissant actionnaire de sociétés du CAC 40…

L’Aïkido de Morihei Ueshiba prenait à revers, et par anticipation, un aspect destructeur et très actuel de notre société moderne : celui de la « victoire » ou de la « réussite » à tout prix, ou plus exactement à … n’importe quel prix.

 Pour preuve, l’apprentissage de ce Budô passe, et ce pendant de très nombreuses années, par l’art de la chute ou « Ukemi », que l’on traduire par la "réception du corps".

Cette chute ne s’effectue pas tout seul mais en relation direction directe avec son partenaire. En harmonie avec lui car, pour éviter toute douleur, tout choc inconfortable, les deux entités se doivent de se respecter en respectant leur rythme.

Ce point indispensable a été mis en exergue par le fort regretté Masamishi Noro dans son expression personnelle, une forme dérivée de l’Aïkido, le Kinomichi. Le tout quel que soit le poids ou la force des deux protagonistes.

En effet, depuis Galilée et son expérience pendant laquelle le savant a laissé tomber des billes de différentes matières et poids du haut de la tour de Pise, nous savons qu’elles sont arrivées au sol au même instant. La « chute des graves ». Galileo Galilei sera le créateur de la dynamique.

 

GALILEE ET BALLON ROND

Une logique physique que nous retrouverons à chaque instant sur le tatami (le sol sur lequel sont pratiqués les arts martiaux japonais mais aussi le matelas sur lequel on se repose et récupérons notre force de travail, de réflexion, d’études).

Cette chute est celle de notre corps sur le tatami mais aussi la réception du corps de l’autre, celui qui nous fait « chuter » pour mieux nous reconstruire. En allant de l’avant car la « marche arrière » n’existe pas en Aïkido.

Ce Budô, qui exclut toute forme de compétition, ne contraint nullement à une réussite obligatoire et permanente.

Ainsi que le faisait remarquer le grand pratiquant français, mon ami et coreligionnaire, l’ostéopathe Philippe Gouttard : « On ne demande pas à un footballeur, si talentueux soit-il, de mettre le ballon au fond des buts à chaque fois ! Au nom de quoi demanderait-on à un aïkidoka de réussir à tout coup ? Ce qui importe c’est l’étude ».

Ce sont la recherche et l’étude qui étendent leurs incroyables bienfaits sur le corps et l’esprit » qui sont, selon le philosophe Baruch de Spinoza « une même chose vue sous deux angles différents ».

Au reste, les arts martiaux japonais ou Budô, ont trouvé de surprenantes et salutaires applications.

En France, l’association C.A.M.I (Cancer, Arts Martiaux et Informations) animée notamment par le Docteur Thierry Bouillet, radiothérapeute à l’hôpital Avicenne de Bobigny, propose aux malades de « retrouver l'unité de leur corps et de leur esprit » à travers les arts martiaux. Car ces derniers présentent des « techniques (…) basées sur un travail de concentration et de relâchement » et dont « la pratique permet de développer des réponses face à la maladie et à ses traitements ».

Il ne s’agit pas ici, bien entendu, de considérer les Budô comme des médicaments se suffisant à eux-mêmes mais comme autant d’amplificateurs venant concourir à un retour à l’équilibre du patient.

Et à lutter, sans pitié pour elles, contre les peurs et les douleurs.

source AGORA.VOX
 

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