HISTOIRE DU SABRE JAPONAIS

28/1/15

 
Les premiers "sabres" japonais étaient en fait des épées, appelés "Moroha Zukuri", possédant une lame droite à double tranchant, très proche des armes chinoises du même type. 
 

Cette dernière a évolué progressivement pour arriver à la forme que nous appelons "Hira Zukuri" une lame droite à simple tranchant et aux faces lisses (assez proche de nos lames occidentales). 
 

Puis, les arêtes longitudinales ont commencé à apparaître sur les deux faces de lame, donnant la "Kiriha Zukuri" (cf. photo de gauche). 
 

Enfin, la lame s'est courbée, sous l'influence de la cavalerie, pour atteindre sa forme quasi-définitive, le "Shinogi Zukuri".

DEBUT DE L'ERE KAMAKURA

 
L'influence du peuple de cavaliers du Nord a été grande sur les techniques guerrières japonaises; le cavalier y tenait un rôle prépondérant. L'arc était l'arme la plus maniable et la plus efficace; rien ne s'opposait à la flèche rapide qui pouvait aller très loin.

Le sabre ne jouait qu'un second rôle : d'une main, le cavalier le faisait tournoyer en tous sens pour faucher les ennemis. Afin de rendre le sabre plus maniable pour cette utilisation, la lame de cette période est amincie dans sa partie supérieure, la ligne Sinogi est remontée vers le dos de la lame, ce qui lui conserve sa robustesse tout en allegeant encore son poids, et la courbure est bien prononcée près de la garde du sabre (Tsuba), ce qui contribue à amortir le choc reçu dans la main au moment de l'impact. La lame mesure généralement de 75 cm à 80 cm; on dit que sa longueur a été déterminée par rapport à la stature des chevaux japonais de l'époque. Ils étaient de petite taille et cette longueur de lame permettait au cavalier de manier son sabre aisément et sans qu'il ne touchât le sol. Le cavalier portait son sabre dans un fourreau suspendu du côté gauche, le tranchant vers le bas. Ce sabre, assez courbe et porté de cette manière, est appelé "Tachi". Le cavalier japonais montait sur son cheval par la droite, de façon à lever le sabre en même temps que la jambe gauche et éviter ainsi d'être gêné. 
 

A cette époque, il n'y avait pas encore d'intention artistique dans la réalisation de la trempe. La plupart des dessins de la trempe reviennent à une ligne à peu près droite (Sugu-Ha) présentant quelques irrégularités. La diversité du travail des particules de métal que l'on peut observer sur ces lames était plutôt le fruit du hasard.

Vers la fin de cette période, fin Heian - début Kamakura (XIIe siècle), les Japonais avaient déjà prit conscience de la beauté de l'acier bien forgé et bien trempé, et ils commençaient à fabriquer de belles lames, perfectionnant les techniques de forge et créant de nouvelles trempes. On commença à voir ainsi les dessins se diversifier et passer de la monotonie de la ligne presque droite à des dessins plus vifs et plus complexes.

MILIEU DE L'ERE KAMAKURA

 
Le perfectionnement de l'arme a rendu nécessaire l'emploi d'armures robustes qui, à leur tour, ont fait naître la nécessité de sabres encore plus résistants pour en venir à bout. Comparés aux sabres élégants de ligne et de forme de la période précédente, ceux de cette période, avec une lame plus épaisse et plus lourde, dégageaient davantage une impression de puissance et de robustesse. Pour que le coup  porté avec un maximum de forces sur une armure résistante soit efficace, on a modifié la courbure de la lame. Celle-ci est remontée vers le milieu, déplaçant du même coup le centre de gravité vers la pointe. Pour la même raison, la différence de largeur entre la partie supérieure et inférieure a été réduite, ce qui donne à la pointe une allure grosse et courte par rapport à sa taille.

Si les lames de cette époque ont ainsi été modifiées, ce n'est pas seulement pour des raisons techniques mais aussi à cause des goûts martiaux de la classe des Samuraïs qui, jusque là au service de nobles, ont chassé ses derniers et se sont emparé du pouvoir politique.

Le maniement de ce sabre robuste et lourd demandait beaucoup de force et c'est ainsi que naquirent les premières techniques d'utilisation du sabre à deux mains.

Dans les grandes capitales comme Kyoto, Kamakura et Nara, puis dans les régions productrises de fer, de sables ferrugineux, de charbon de bois et d'une eau de bonne qualité, enfin, dans celles favorisées par les transports, on vit naître des ateliers de fabrication de sabres, chacuns ayant ses techniques particulières. Les progrès de la forge et du trempage furent considérables. Certains ateliers ou forgerons réalisaient un acier d'une texture si fine qu'on la comparait à celle de la soie, d'autres étaient réputés pour leurs luxueux motifs de trempe semblables à des fleurs de girofliers... On comptait beaucoup de grands artistes forgerons. Cette période est appelée "l'age d'or du sabre japonais". Il nous reste aujourd'hui de nombreuses lames d'une qualité inestimable que même les plus grands artistes d'aujourd'hui, avec leur haute technicité, sont incapables de reproduire.

FIN DE L'ERE KAMAKURA

 
En 1274 et 1281, le Japon a dû faire face à deux tentatives d'invasion par les Mongols. C'est la seule occasion où ce pays, protégé par la mer qui l'entoure, s'est retrouvé en position critique face à une puissance étrangère, jusqu'à son ouverture aux pays occidentaux à la fin de l'ère Edo. Cette offensive mongole avait été motivée par le refus du gouvernement Kamakura de devenir vassal de Kubilaï Khan. Les deux fois, la flotte mongole avait miraculeusement sombré au milieu d'un typhon.

Après avoir échappé à ce péril, le gouvernement Kamakura ne sut pas longtemps conserver sa souveraineté sur le pays : il avait notamment négligé de récompenser les Samuraïs pour leur aide considérable face aux troupes mongoles. Leur mécontentement prit de telles proportions que c'est avec leur soutien que l'Empereur Godaïgo reprit le pouvoir en provoquant la chute du gouvernement Kamakura. 
 

L'offensive mongole joua un très grand rôle dans la polithique du Japon; elle imposa également d'importantes modification au sabre japonais. Les techniques guerrières mongoles étaient d'une nature bien différence des japonaises. Alors que les Japonais se battaient en duel après que chacun des deux adversaires se fût présenté, ce qui été considéré comme preuve de son honneur, les Mongols au contraire se battaient en groupe : un petit nombre de soldats encerclait un cavalier seul. Ils utilisaient également une sorte de grenade totalement inconnue des Japonais. Ils avaient aussi l'avantage d'une tenue léjère qui leur permettait des déplacements beaucoup plus rapides que les Japonais revêtus d'une armure pesante et qui portaient un sabre épais et lourd. A la suite de cette expérience, l'armure fut allégée et on la rendit plus fonctionnelle afin qu'elle fût utilisable aussi bien dans les combats à cheval que dans les combats à pieds.

La lame changea également de style :  la partie supérieure fût amincie pour rendre le sabre plus maniable et la pointe allongée pour transpercer plus facilement. On jugea qu'une trempe large aux dessins flamboyants et irréguliers nuisait à la solidité de la lame; la trempe de cette période devint donc plus étroite et ses dessins s'assagirent.


ERE NAMBOCUCHO

 
Après la chute du gouvernement Kamakura, l'empereur Godaïgo ne sut pas non plus calmer le mécontentement des Samuraïs. Au contraire, la déception des espoirs qu'ils avaient placés dans le nouveau régime ne fit qu'accroître ce mécontentement. Ashikaga Takauji se révolta contre l'empereur Godaïgo, entraînant à sa suite un prince impérial, ce qui eut pour résultat de diviser la famille impériale en deux clans : celui du nord et celui du sud. Tous les Samuraïs ambitieux du pays prirent partie pour l'un ou l'autre clan et le pays se retrouva plongé dans des guerres sanglantes.

A cette époque, l'infanterie prenait de plus en plus en plus d'importance face à la cavalerie et la pique (yari) devint une arme très utilisée. Les combats qui jusque là avaient été individuels, commencèrent à devenir des affrontements de groupe.

L'instabilité et la faiblesse des divers régimes étaient sources d'inquiétude et de désordre mais il s'en suivait un courant allant dans le sens d'une sorte de libéralisme. Les gens s'exprimaient librement, s'habillaient selon leur envie, parfois étrangement pour se faire remarquer ou étonner. "Vouloir se faire remarquer" donna lieu à bien des excès dans tous les domaines. Mais la médaille avait son revers; l'honneur qui passait avant tout des Samuraïs de l'ère Kamakura tomba en désuétude et fut remplacé sans vergogne par ce que l'on avait jusque là qualifié de lâcheté. Les combats loyaus furent remplacé par des machinations perfides.

Les ornements de l'armure et du casque devinrent grands et impressionnants, la sabre excessivement long et large, avec une pointe encore plus grande et saillante, surtout dans le but d'intimider l'ennemi. Le Samuraï portait souvent ce long sabre dans le dos ou sur l'épaule, ou bien le faisait porter par un valet. A cette époque, la lame dépassait souvent les 90 cm. Afin d'éviter qu'elle ne devienne trop lourde, on compensa son élargissement par une diminution de son épaisseur.

C'est à ce moment-là que l'usage d'un second sabre, moins long que la sabre principal, devint courant. Ce sabre était porté en complément, glissé dans la ceinture, sur la hanche gauche, le tranchant vers le haut; on l'appelle "Uchigatana". Il entre dans la catégorie des Katana; sa lame, relativement courte, est utilisé d'une seule main pour frapper (uchi); de là lui vient son nom. Son côté pratique ayant était largement reconnu par la suite, son utilisation se répandit durant l'ère Muromachi.

Fait très important de cette période : le perfectionnement des méthodes de Soshu-den par l'artiste Masamune (à ne pas confondre avec le célèbre forgeron de la période Momoyama et portant le même nom). Celui-ci réussit à utiliser conjointement des aciers de densités différentes pour réaliser des lames tout à fait originales, avec un travail multiple des particules de métal donnant une trempe dynamique à la clarté bleuâtre. Ses techniques influencèrent beaucoup les forgerons du Japon tout entier.


DEBUT DE L'ERE MUROMACHI

 
Après les guerres de Nambokucho, la paix revint, ramenant aussi le calme et la mesure dans les esprits. Les grands sabres disparurent assez vite car, s'il est vrai qu'ils étaient impressioninants, ils n'étaient pas du tout pratiques. Les changements dans l'art de la guerre favorisèrent l'infanterie et allégèrent l'armure. Cette armure allégée fut d'abord méprisée par les Samuraïs de haut rang qui la trouvaient ordinaire et dépourvue de noblesse; mais, peu à peu, elle gagna en popularité même parmis eux.  
Puis, l'on reconnut l'utilité de l'uchigatana; alors qu'on l'avait considéré comme une arme complémentaire, il commença à remplacer le tachi, sabre principal. Durant cette période, coéxistèrent le tachi long, bien courbe, porté le tranchant vers le bas, et l'uchigatana moins long, moins courbe, et porté le tranchant vers le haut.

Les lames forgées à cette époque sont moins larges que celles de la période précédente, ce qui entraîne une réduction de la taille de la pointe. Pour compenser la perte de robustesse liée à leur rétrécissement dans le sens de la largeur, on augmenta leur épaisseur. Autrement dit, leur forme ressemble beaucoup à celle de l'époque fin Kamakura. Il y a cependant une différence : la partie supérieure de la lame est légèrement plus courbe que celle de la fin Kamakura.

 Autre particularité de cette période : on commença à attribuer une valeur commerciale à la production des sabres japonais. Un grand nombre de sabres (entre 200 000 et 300 000) a été exporté vers la chine (Dynastie Ming).


FIN DE L'ERE MUROMACHI

 
La guerre d'Onin (1467) répandit l'état de guerre dans le pays tout entier. Ce fut une période où se succédaient perpétuellement des renversements dans l'ordre hiérarchique, et où apparaissaient et disparaissaient de nouvelles puissances. C'était, d'une part, un temps où régnait un libéralisme total et énergique, où seuls comptaient la valeur individuelle, la force et la compétence de chacun, où même un paysan pouvait parvenir au rang de grand seigneur. C'était, d'autre part, un temps sombre, où le sens de l'honneur de l'homme était tombé dans l'oubli et où l'on ne reculait devant rien pour satisfaire ses ambitions.

Ces guerres interminables faisaient que les gens avaient constamment besoin d'armes. La production de sabres à visée uniquement utilitaire augmenta énormément. C'est pourquoi la majorité des armes fabriquée à cette époque est tout à fait médiocre sur le plan artistique. Cependant, les Samuraïs de haut rang qui voulaient posséder une lame de grande qualité passèrent souvent des commandes particulières , en marge de cette production de masse. Il existe encore de nos jours un grand nombre de lames forgées sur commande, portant sur la soie le nom d'un Samuraï auquel elle était destinée ainsi que le nom du forgeron.

Pendant cett période, la production de tachi diminua nettement au profil de l'uchigatana. Pour augmenter l'efficacité de ce dernier dans les combats au corps à corps, on raccourci la lame qui passa à une longeur moyenne comprise entre 55 et 65 cm; on augmenta également la courbure de sa partie supérieure pour faciliter son utilisation d'une seule main. C'est à cette époque naquirent les premières technique de Iaï qui consistaient à frapper l'ennemi d'un seul coup en dégainant la lame.

 La tendance libérale a permis la dversification des dessins de la trempe et beaucoup de variations inédites ont été crées par des artistes de tout le Japon. Chaque atelier inventait ses trempes particulières qui servaient de marque de fabrique. Les trempes qui donnaient une véritable impression de tranchant étaient très appréciées. 
 

A la fin de cette période, des Portugais naufragés introduisirent l'arquebuse au Japon (1542). Pour résister à cette nouvelle arme redoutable, l'armure fut renforcée en utilisant souvent de la tôle d'acier. L'uchigatana court utilisé d'une seule main ne fut plus suffisant pour attaquer cette armure robuste. Sa lame redevint plus longue et plus épaisse pour être utilisée à deux mains, et sa pointe plus saillante pour pouvoir transpercer l'armure. Ce sabre d'un nouveau style fit complètement disparaître l'uchigatana court qui avait été si populaire.

ERE MOMOYAMA
Oda Nobunaga et Toyotomi Hideyoshi mirent fin à la longue période de guerres généralisées. Le Japon commença à se réorganiser sous un nouveau régime unifié. Après l'introduction de l'arquebuse puis l'arrivée du christianisme (1549), le commerce avec l'étranger devint propère, apportant beaucoup de nouveautés dans le pays ; c'était une ère tout à fait nouvelle qui commençait. Dans le même temps, d'importantes mines d'or furent découvertes, ce qui enrichit le pays non seulement sur le plan économique mais aussi sur le plan culturel ; ainsi nacquit ce que l'on nomme dans l'histoire de lart japonais "la prestigieuse culture Momoyama".

Kyoto retrouva sa vie de grande capitale et reprit également son rôle de plus grand centre culturel ; c'était le point de rencontre le plus important des nobles et des Samuraïs de haut rang. Ces memebres de la haute société venaient y échanger leurs idées, organiser des banquets... C'était aussi un défilé de mode permanent pour les gens avides de paraître. Ainsi réagissait un pays qui venait de retrouver la paix et qui était subitement devenu riche. Cela contribua à une évolution sur une grande échelle dans tous les domaines de l'art : la peinture, l'architecture, la littérature, la musique, le théâtre, la cérémonie du thé...

Cette évolution se reflète aussi dans le domaine du sabre et de sa monture. Les lames et les montures luxueuses étaient très appréciées et recherchées. Le goût des Samuraïs de cette période correspondait à celui de l'ère Nambokucho par sa recherche du dynamisme et son exagération. C'est pourquoi les lames de l'ère Nambokucho étaient très cotées parmi les Samuraïs. Cependant, les lames conçues pour des Tachi étaient trop longues pour être portées quotidiennement en Katana. ils les firent donc transformer en Katana, en raccourcissant la soie et la partie inférieure de la lame. Porter une très belle lame ancienne ainsi racourcie était du dernier chic chez les Samuraïs à la mode.

La vogue de ces lames de l'ère Nambokucho raccourcies était telle qu'elle poussa les forgerons d'alors à imiter cette formepour forger leur propres lames, c'est à dire un peu larges par rapport à leur longueur, moins courbes et avec une grosse pointe. La différence la plus apparente entre les lames anciennes et les nouvelles était l'épaisseur : la lame de Nambokucho était longue et minces et restait donc mince après son raccourcissement, tandis que la lame de cette époque, conçue dès le départ pour cette longueur, était plus épaisse pour avoir un poids compatible avec son utilisation.

Le goût des Samuraïs en matière de dessins de trempe correspondait aussi à celui de l'ère Nambokucho : des dessins vifs et dynamiques, représentés par la méthode "Soshu-den". Cette tendance n'était surement pas sans rapport avec le goût de Toyotomi Hideyoshi, puissant gouverneur fortement attaché à son atelier.

C'est à cette époque que Hideyoshi prit une importante mesure qui marqua l'histoire du Japon et celle du Sabre : la chasse aux sabres. Prétextant des besoins matériels pour la construction de temples et de statues bouddhiques, il ordonna aux paysans de déposer toutes leurs armes. En réalité, c'était une mesure préventive anti-émeutes. Il fit ainsi détruire beaucoup de lames de qualité médiocre qui avaient été fabriquées en période de guerres. Les paysans ne pouvant pas se permettre de posséder des lames de grande qualité, il s'opéra ainsi parmi les sabres une sorte de sélection naturelle qui n'avait pas été préméditée.

La forte augmentation de la production d'or et les goûts personnels de Hideyoshi firent entrer massivement l'or dans la vie ; l'orfèvrerie, incluant les accessoires de monture de sabre, connut un essor considérable pendant cette période.


DEBUT ET MILIEU DE L'ERE EDO

 
Le règne de la famille Toyotomi ne dura pas longtemps. Après la mort de Hideyoshi, Tokugawa Ieyasu se fit nommer Shogun et prit le pouvoir. Puis, il extermina la famille Toyotomi pour éviter toute tentative de reprise de pouvoir. Afin d'asseoir fermement son autorité sur l'ensemble du territoire, il restructura la répartition des domaines à gouverner ; il envoyait au loin les seigneurs qui lui étaient hostiles et intercalait entre eux des hommes de confiance qui les surveillaient. Ainsi était en train de se constituer solidement la base du régime de Tokugawa...

Ayant reçu son affectation de gouverneur, chaque seigneur (Daïmyo) emmenait sur son nouveau territoire les forgerons de sabres qu'il avait choisis pour la fabrication et l'entretien de son armement. Ainsi la carte de la répartition géographique de la production de sabres fut complètement modifée. Jusque là, la production avait été assurée par des ateliers qui s'étaient naturellement implantés sur des lieux favorisés par la fourniture de matières premières et les transports. Le nouveau régime politique fut à l'origine de la migration de nombreux forgerons et ateliers renommés. Après leur déménagement, certains continuèrent à utiliser leur technique traditionnelle mais beaucoup d'autres créèrent de nouvelles techniques. Cette tendance novatrice donna naissance à une production de lames d'un aspect très différent de celui des périodes précédentes. C'est pourquoi on appelle les lames forgées avant cette époque Ko-To (ancienne lame) et celle forgées à partie de cette époque Shin-To (nouvelle lame). Il ne faut pas oublier que le grand développement du commerce et des moyens de transport avait favorisé la migration des forgerons en leur facilitant l'approvisionnement en matières premières même s'ils se trouvaient loins des lieux de production.

Pour mieux enraciner son régime dictatorial, le gouvernement Tokugawa pratiquait l'élimination politique des seigneurs "indésirables" ; prenant prétexte de la construction ou de la rénovation d'un château sans autorisation, de la mauvaise gestion d'un fief, de l'absence de descendance mâle, on ordonnait l'extinction de la famille. Beaucoup de seigneurs puissants, dont certains avaient même apporté un grand soutient à la famille Tokugawa, subirent ce sort. Cette praique mit au chômage de nombreux Samuraïs, devenus Ronins, qui se rassemblaient dans les grandes villes, à la recherche d'un nouvel emploi ou tout simplement pour survivre. Parmi eux, certains essayaient de se perfectionnner dans l'art du sabre pour augmenter leurs chances de retrouver du travail ; d'autres, mécontents, complotaient en vue de renverser le gouvernement. 

Ce climat de tension entrenait l'inquiétude d'un boulversement de la société et attisait les tendances guerrières. L'entraînement au sabre devenait très populaire parmi les Samuraïs qui se préparaient pour d'éventuelles guerres et beaucoup d'écoles d'escrime virent ainsi le jour. Pour employer des techniques de combat raffinées, le sabre devait permettre des coups de taille et d'estoc. Cette nécessité conduisit à de nouvelles modification de la lame : une moindre courbure, un amincissement de la partie supérieure, avec une pointe relativement petite, une aptitude au coup d'estoc et au maniement à deux mains.

Pendant cette période, les deux grandes villes Edo et Osaka offraient un contraste saisissant sur tous les plans. Si Edo était la capitale politique et administrative, Osaka était le grand centre du commerce (cette distinction étant encore visible de nos jours). Dès le départ, Edo fut conçue comme centre politique par Tokugawa Ieyasu et l'atmosphère de cette ville reflétait son tepérament spartiate, martial et strict. On y appréciait les lames selon des critères de robustesse, de tranchant et de beauté martiale. Pour les tester, on les essayait très fréquemment sur des cadavres de criminels. On trouve aujourd'hui beaucoup de lames qui portent la mention de cet essai gravée ou incrustée sur la soie. Osaka, par contre, se développait comme un grand centre de commerce. Les forgerons de cette ville qui n'appartenaient à aucun grand seigneur fabriquaient leurs lames pour bien les vendre. Pour cela ils mettaient d'abord l'accent sur la beautée apparente : finesse du travail de forge, texture serrée de grains brillants, dessins écatants de la trempe qui évoquaient les vagues, les torrents ou les nuages... C'étaient véritablement des oeuvres d'art.

La famille Tokugawa mena à bien son entreprise et, après avoir écrasé tous ses opposants, établit solidement son très puissant régime. La paix dura longtemps et les générations se renouvelaient... Les Samuraïs de la nouvelle génération n'avaient jamais connu la guerre et les occasion de dégainer le sabre s'étaient faites rares. Les marchands enrichis dépensaient des fortunes pour se distraire dans le luxe et cette nouvelle tendance donna naissance à une culture épicurienne dite "culture Genroku", comparable à la culture Momoyame. La forme du sabre subit cette influence : la lame se courba davantage, sa forme gagna en équilibre et en grâce mais perdit son caractère martial.

Quand la paix dure, les lames ne s'usent plus et le besoin ne s'en fait plus sentir. Faute de commandes, le nombre de forgerons diminuait. L'esprit guerrier et loyal des Samuraïs se perdait également. Le Shogun Tokugawa Yoshimune (qui gouverna de 1716 à 1745), déplorant cette facheuse tendance, prit diverses mesures de caractère économique et culturel pour ramener la société sur le chemein de la sobriété, de l'épargne et du caractère martial, comme au temps de son ancètre Ieyasu. Il encouragea également la reprise de l'industrie du sabre mais ne réussit pas à redresser l'état d'esprit des Samuraïs qui étaient tombés dans la décadence. Ses mesures ne s'accordaient pas avec des conditions de vie complètement changées par une longue période de paix.


FIN DE L'ERE EDO

 
Les flottes occidentales menaçaient les côtes japonaises. La polithique isolationniste en vigueur depuis le début de l'ère Edo entretenait depuis deux siècles un fort sentiment xénophobe chez la plupart des Japonais. Le mouvement anti-étranger prenait de l'ampleur, l'inquiétude sociale augmentait, un petit nombre de marchands amassait des fortunes, la corruption faisait des ravages et la classe des Samuraïs était surendettée.

Le régime du gouvernement Tokugawa, qui avait basé ses principes sur une économie de la culture du riz gérée par la classe des Samuraï, ne correspondait plus à la réalité des faits; le vrai pouvoir économique était aux mains des marchands. Des troubles sociaux apparaissait un peu partout et nourissaient le mouvement révolutionnaire qui avait en vue le renversement du régime Tokugawa et le rétablissement du pouvoir impérial. 
 

Les symptômes apparents de l'approche d'une grande guerre réveillèrent brusquement l'industrie du sabre qui s'était endormie. Le renouveau du culte de l'empereur joua aussi sur la fabrication des lames : le sabre japonais, âme du Samuraï, devait retrouver son esprit d'origine et il fallait imiter les lames de l'âge d'or (milieu de l'ère Kamakura) et les prendre pour modèles. 
Poussé par cette sorte de propagande, beaucoup de forgerons réétudiaient les méthodes traditionnelles, soit pour les intégrer à leurs propres méthodes, soit pour copier des lames célèbres. Cela n'empêcha pas un certain nombre d'autres forgerons de créer des nouveautés, à leur propre manière, en laissant libre cours à leur imagination. Ils essayaient différentes méthodes existantes, même si ce n'était pas leur spécialité, faisaient un mélange de plusieures méthodes traditionnelles, formaient des lames de type Tachi, même si elles n'avaient guère d'utilité, en forgeaient d'autres longues et presque droites... Beaucoup de lames de styles divers et variés furent fabriqué, phénomène qui ne s'était jamais produit auparavant.

Presque toutes les lames forgées à cette époque avait un point commun : l'acier. Avec les débuts de l'industrialisation, il était maintenant possible de se proccurer dans tout le Japon l'acier brut nécessaire à la fabrication du sabre. Les forgerons n'avaient plus besoin de travailler eux-mêmes le minerai de fer ou le sable ferrugineux, sauf ceux qui s'entêtaient à le faire par amour de la tradition. Pour cette raison, la matière première utilisée par les forgerons de cette période présente des qualités et des caractéristiques identiques. 
Dans le travail des forgerons, on peut distinguer des différences des les formes de la lame, dans la technique de forge, dans la trempe et dans la cuisson mais on ne voit plus des différences de matière qui étaient si importantes autrefois selon les méthodes utilisées. La surface des lames de cette période offre une apparence très pure et brillante comme un miroir bien poli mais il lui manque la profondeur et la subtilité du travail artisanal. 
 

Les lames forgées durant cette période sont donc bien différentes de celles forgées jusque là, et c'est pourquoi on les appelle Shin-Shin-To (nouvelle nouvelle lame).


DE L'ERE MEIJI A NOS JOURS

 
En 1867, avec la chute du gouvernement Tokugawa, la classe des Samuraïs fut abolie. Naturellement, la production des sabre s'effondra d'un seul coup. Et, en 1876, une loi interdisant le port du sabre dans la rue lui donna le coup de grâce. La vie du vrai sabre japonais possédant à la fois beauté et valeur utilitaire s'arrête là. Le sabre n'étant plus réellement utilisé au combat, il n'y aura plus d'évolution de la lame liée à des raisons pratiques. En dehors des lames fameuses et des sabres considérés depuis longtemps comme des trésors, les autres sont presques devenus des objets-souvenirs.

Malgré tout, grâce à certains forgerons, les principales techniques de forge ont échappé à la disparition totale. Et, chaque fois que le Japon s'est trouvé en guerre, malgré leur peu de valeur utilitaire en tant qu'armes, de nouvelles lames ont été forgées pour rappeler et mobiliser l'esprit japonais qu'elles symbolisent. 
 

Après la guerre du Pacifique, l'armée d'occupation américaine considéra tous les sabres comme des armes dangeureuses entre les mains d'un peuple militariste. Elle exigea que tous les sabres lui soient remis afin d'être détruits. Les Japonais, craignant la perte irrémédiables de biens culturels et artistiques, ne ménagèrent pas leur peine pour tenter de les sauvegarder, multipliant les démandes et les démarches administratives. Leurs efforts furent récompensés : l'armée d'occupation reconnut la valeur culturelle et artistique du sabre japonais et ne le considéra plus comme une source automatique de militarisme. Elle confia au gouvernement japonais la mission d'autoriser la possession de lames qui, après examen, auraient été reconnues comme objets d'art ou biens culturels.

Depuis, on assite à un certain développement des études sur les lames et les méthodes de forge traditionnnelles. de nouvelles associations se sont créées pour la consersation des lames de valeur. Elles encouragent également les activités des forgerons de la nouvelle génération en organisant des expositions. On reconnait aujourd'hui la valeur des lames anciennes et modernes.

SOURCE  /lexan38.free.fr/

 





(Xe-XIIe siècles)

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