*Le karaté et le thé*

8/2/10

Article paru dans la revue "Officiel karaté" n°74, traduit de l’anglais et réécrit par Gérard Chemama. Article original : The Zen experience : Karate and the Tea, by Keith W. Strandberg.(article trouvé sur le site de Guillaume Jouis)

                                                                
            


Une pluie fine tombe sur le chemin sinueux qui traverse le jardin Japonais. Le décor est d’une beauté remarquable. Des petits cailloux pavent le sentier menant au pavillon du thé ; ils sont de dimensions différentes et rendent la marche incertaine ; l’attention requise pour garder son équilibre permet déjà, tout en parcourant l’allée, d’oublier ses problèmes quotidiens.

 

 

Au bout du chemin, le pavillon du thé. L’invité se purifie avant d’entrer en se rinçant, dans un geste symbolique, les mains et la bouche. La maison est magnifique de simplicité. La porte d’entrée est très basse, il faut s’incliner pour la franchir. A l’intérieur, en guise de décoration, un simple petit bouquet se suffit à lui-même. Son état de solitude, dans cet environnement dépouillé, le transcende et valorise d’autant la beauté des quelques fleurs qui le composent.

 

 

L’hôte de la cérémonie du thé vient juste d’investir les lieux, ponctuant son entrée d’un salut respectueux. Elle porte tous les ustensiles nécessaires à la cérémonie. Elle est vêtue d’un magnifique kimono brodé. Calme et sérénité se dégagent de son attitude. Elle se dirige vers le centre de la pièce, se déplaçant d’un pas léger, particulièrement précis et mesuré. Elle regarde loin devant ; ses yeux semblent focalisés sur un point situé quelque par à l’intérieur de son âme. Bifurquant soudainement sur sa gauche avec une précision et un équilibre parfaits, elle passe devant l’invité, s’agenouille et place les ustensiles près du réchaud, conçu à même le sol, à cet effet. Un sentiment de plénitude a envahi l’endroit, renforcé par les mouvements sûrs et précis de cette femme. Le son discret de la pluie qui continue de tomber est apaisant. L’eau est maintenant à ébullition, l’invité, complètement intégré dans l’atmosphère de la cérémonie, contemple le cours des événements. Tirant du "obi", noué autour de sa taille, un tissu de soie rouge, elle prend la boîte de thé, l’essuie d’un geste méticuleux et révérencieux, puis fait de même avec les cuillères à thé. Ensuite, elle plie et replie le tissu de soie ; ses gestes sont élégants, empreints d’un grand raffinement ; ses mains, savant mélange de vigueur et de finesse ne faillissent jamais pendant tout ce rituel.

 

 

L’invité est à genoux, assis sur les talons. La position pourrait sembler inconfortable s’il n’était autant impliqué dans cette cérémonie organisée en son honneur.

 

 

Le bol du thé est large, avec, comme simple décoration, un magnifique motif peint sur le devant. L’hôte le nettoie soigneusement avec un linge blanc et une cuillerée de poudre de thé verte.

 

 

L’hôte se tourne alors vers l’invité et le salue. Ce dernier lui rend le salut et la regarde poser quelques fèves devant lui. Il se sert de ses baguettes pour les déguster. La douceur des fèves allège le goût fort et amer du thé qui va suivre. L’invité tire ensuite une serviette de son "obi" (ceinture nouée autour du kimono) et s’essuie délicatement la bouche. Tout se doit d’être réalisé parfaitement, du geste qui consiste à verser l’eau jusqu’à la plus petite nuance de mouvement. Rien ne doit troubler l’atmosphère et la sérénité de la cérémonie. L’hôte va même jusqu’à harmoniser sa respiration avec celle de l’invité.

 

 

Après avoir mis un peu de thé en poudre dans le bol, l’hôte verse l’eau chaude et commence à la remuer. Elle dessine des cercles à l’aide de son fouet de bambou, s’arrêtant de temps en temps pour vérifier le thé ; puis, cérémonieusement, bat légèrement le fouet contre le côté du bol. Quand le thé est prêt, elle pose le fouet et prend le bol dans ses mains. Elle le tourne avec délicatesse, par quarts de tour, jusqu’à ce que le motif pointe vers sa droite. Puis, avec un salut, elle pose le bol en face de l’invité qui lui rend son salut et le place de façon à pouvoir y admirer le motif. La parfaite simplicité de tous ces gestes ajoute à ce sentiment de plénitude et cadre parfaitement avec la beauté naturelle et dépouillée de l’environnement. Ensuite, l’invité tourne de nouveau le bol pour diriger le motif de l’autre côté, puis il le prend et commence à boire. Il le vide en trois gorgées, marquant une pause entre chacune d’elles. Le thé est particulièrement fort, et plutôt amer, mais les fèves prises auparavant permettent de mieux en accepter le goût et la boisson est plutôt rafraîchissante.

 

 

L’hôte reste complètement silencieuse pendant que l’invité boit le thé ; elle détourne même les yeux par pur respect pour son contentement. Lorsqu’il a fini de boire, l’invité repose le bol dans sa position originale, l’hôte le reprend et le nettoie, s’assurant que le motif ne soit pas dirigé vers elle.

 

 

La cérémonie du thé prend fin, et il y a comme un sentiment de "Zanshin", de fin parfaite, un calme et une tranquillité qui pénètrent l’atmosphère.

 

 

Cette tradition ancienne peut paraître sans grande signification à beaucoup d’occidentaux, voire sans rapport aucun avec le Karaté ou une quelconque pratique martiale. Mais les relations sont au contraire très nombreuses. Re-citons comme exemple cette parabole originellement racontée par D.T. SUZUKI déjà très connue mais qui illustre bien le propos : "Un maître de thé de l’ancien Japon fut défié pour un duel à mort par un samouraï errant. Le maître de thé, craignant de perdre l’honneur, accepta. Malheureusement, il ne connaissait rien au maniement du sabre. Le duel devait avoir lieu incessamment, aussi le maître de thé se rendit-il chez un maître de sabre local pour acquérir quelques rudiments de cette pratique. L’entraînement commença et l’homme de sabre découvrit bien vite que son disciple d’occasion n’aurait aucune chance contre le samouraï avec ces quelques rudiments. Il lui demanda alors de venir dans une autre pièce. Lorsque le maître de thé entra, le maître de sabre lui désigna un service à thé et lui demanda de procéder à la cérémonie du thé. Très étonné, mais rempli de gratitude pour cette dernière chance qui lui était donnée d’exercer son art avant une mort inévitable, il servit le thé, ses mouvements précis et relâchés, son attitude complètement libre de toute la peur qui l’avait hanté depuis le jour du défi.

 

 

Quand la cérémonie se termina dans un état de "Zanshin" le plus profond, le maître de sabre sourit et dit : "Il n’est rien que je puisse vous apprendre sur l’art d’affronter la mort que vous ne connaissiez déjà ; faites face au samouraï avec l’attitude que vous venez de démontrer". Le maître de thé comprit la leçon et s’en alla affronter le samouraï.

 

 

Le matin du duel, lorsque le samouraï arriva, le maître de thé l’attendait déjà, sabre en main. Son attitude était calme et sereine, comme s’il était en train de servir le thé. Le samouraï, voyant son adversaire prêt à affronter la mort, commença à s’inquiéter pour sa propre vie et s’enfuit. La même parabole est présentée par cette stance d’un poème de l’ancien Japon : "A l’intérieur d’un esprit absolument libre de toute pensée et de toute émotion, même le tigre ne trouverait pas d’endroit où insérer ses griffes féroces".

 

 

Cette philosophie est celle du bouddhisme Zen, la pierre angulaire des arts Japonais, l’arrangement des fleurs, la calligraphie, la cérémonie du thé entre autres et les arts martiaux.

 

 

L’association du Zen et du thé remonte au temps où les premières graines de thé furent ramenées de Chine au treizième siècle par Eisai, le maître de Zen. Mais ce n’est que bien plus tard, avec le grand maître Sen Rikyu (1522-1591) que la cérémonie fut ritualisée et largement transmise comme une forme d’art.

 

 

Originellement, le thé était réputé pour ses qualités médicinales, et sa capacité à garder l’esprit en éveil sans enivrement. "Le thé garde l’esprit frais et vigilant, mais il n’intoxique pas. Il a des qualités naturelles hautement appréciées par les étudiants et les moines". (Le livre du thé). Mais depuis que la cérémonie du thé est devenue populaire, c’est plus que l’esprit Zen qui s’en dégage que le thé lui-même qui importe. Le thé fut ainsi associé au Zen dans le but de purger l’esprit de la banalité et de la futilité du quotidien.

 

 

La cérémonie du thé, même de nos jours, est considérée au Japon comme un moyen d’échapper momentanément aux vicissitudes de la vie quotidienne, sortir du "banal" pour toucher au "transcendantal".

 

 

On dit que le thé possède une âme permettant de vire, pour quelques instants, une sensation de bien-être et de relâchement total, en parfaite harmonie et loin de toute pression extérieure. Le thé fut souvent utilisé par les guerriers samouraï, entre les batailles, comme une sorte de répit, une forme d’évasion des moments où leur vie était constamment en danger, où chaque instant qui passait était celui d’une décision de vie ou de mort.

 

 

Les samouraï s’imprégnèrent de la philosophie du Zen de tout leur coeur. La vie d’un samouraï était loin d’être de tout repos, et chaque bataille pouvait signifier la mort. Dans de telles circonstances, il leur était difficile de ne pas être préoccupé par un futur plus qu’incertain. Ils réalisèrent bien vite que cela ne les mettait pas dans l’état le plus approprié pour la victoire. Il leur fallait être capable de se concentrer uniquement sur la bataille elle-même, extirpant de leur esprit toute pensée de vie ou de mort.

 

 

Le Zen leur favorisait la réalisation de cet état. Il leur offrait une philosophie par laquelle ils chassaient de leur esprit toute idée de vie ou de mort. Il leur promettait une transcendance des deux, une attitude mentale engendrant des réactions naturelles, et leur permettant de se comporter de leur mieux et sans réserves, bataille après bataille.

 

 

Miyamoto MUSASHI, dans ses "écrits sur les cinq roues", mentionnait cette attitude, sans spécifiquement se référer au Zen. Il écrivait : "La voie du guerrier est celle d’une acceptation résolue de la mort." Le Zen aidait le samouraï à accepter la mort. Dans la cérémonie du thé, et dans les arts martiaux, même si, en réalité, les situations ne sont pas aussi dramatiquement extrêmes, la même attitude mentale de détachement est recherchée.

 

 

Le Zen, philosophie qui, selon la légende, fut fondée par le moine Boddhidarma, au temple de Shaolin, dans le nord de la Chine, requiert, comme principe fondamental un détachement total, l’esprit ne devant être préoccupé par rien de particulier. Ceci, plus simplement, signifie que rien, dans la vie, ne doit être traité avec plus d’importance que quoi que ce soit d’autre. Ainsi, la mort est juste considérée comme une autre marche de l’échelle, et ne devrait pas être crainte. Un maître de Zen ne craint pas la mort, mais il l’accepte plutôt comme faisant partie de l’ordre naturel des choses.

 

 

Si le samouraï nécessitait cette attitude mentale pour mieux se concentrer sur la bataille, le pratiquant de karaté ou de la cérémonie du thé n’a pas besoin d’une telle acceptation de la mort pour lui permettre de survivre, mais le même esprit calme et détaché de toutes les pressions quotidiennes du monde moderne lui favorise une pratique profonde. L’esprit du Zen aide le pratiquant à cette réalisation.

 

 

Les mouvements de la cérémonie du thé, en quelque sorte, rappellent les mouvements du kata de karaté. Les techniques du kata de karaté entraînent le karatéka à divers niveaux simultanément.

 

 

Au stade du débutant, les mouvements exercent simplement le physique. L’intégration initiale de techniques de plus en plus compliquées, dans le karaté comme dans le thé, constitue le premier objectif du néophyte.

 

 

Une fois ces mouvements basiques relativement automatisés, le pratiquant recherche une plus grande fluidité dans leur exécution. Petit à petit, les mouvements commencent à paraître naturels, comme une seconde nature, facilement réalisés et accompagnés d’un sentiment profond de paix et de bien-être.

 

 

Finalement, la transcendance ne peut se concevoir que lorsque les mouvements eux-mêmes ne constituent plus le but, mais un moyen pour entraîner et développer l’esprit. Il n’est plus nécessaire alors de se concentrer sur l’exécution correcte des mouvements, puisqu’ils deviennent le fruit du subconscient pendant que le pratiquant expérimente l’état de "Mushin" (vacuité de l’esprit, celui-ci n’étant fixé sur rien en particulier).

 

 

Quatre principes fondamentaux régissent la cérémonie du thé, et tous les éléments impliqués (mouvements, vêtements, actions, décoration, etc.) doivent s’harmoniser avec un de ces quatre principes.

 

 

L’harmonie avec la nature transparaît tout autour de la chambre du thé. Seuls, des matériaux naturels sont utilisés pour sa construction, et l’architecture du pavillon de thé lui-même est en parfaite harmonie avec la nature. Tout, des fleurs jusqu’aux ustensiles de la cérémonie, est calculé pour créer l’harmonie, rien ne doit dépareiller.

 

 

Tranquillité et harmonie illustrent l’esprit de la cérémonie du thé. La cérémonie elle-même génère un immense sentiment de paix durant tout son déroulement. Les mouvements sont lents et mesurés. Le bruit est réduit au plus strict minimum à moins qu’il ajoute (tel le bruit du fouet sur le bol) à la tranquillité et à l’harmonie.

 

 

Le respect, lui, réside dans l’attitude réservée et extrêmement courtoise de l’hôte et de son invité pendant toute la cérémonie. Ils se saluent et se remercient à différentes reprises, suivant ainsi une tradition bien établie de politesse et de respect.

 

 

La pureté existe dans le décor austère, bien que naturellement magnifique, à l’intérieur de la chambre du thé. La plupart du temps, la seule décoration se limite au petit bouquet de fleur cité plus haut. On trouve également une connotation de pureté dans le fait que l’hôte et l’invité se purifient avant d’entrer dans la chambre du thé. Les ustensiles eux-mêmes sont purifiés avant et après usage.

 

 

Le jardin, autour du pavillon du thé, est souvent constitué de différentes parties (tels le jardin pour le point de vue, le jardin pour la méditation, etc.).

 

 

Le "roji", ou "chemin de rosée", trace un sentier sinueux à travers le jardin vers la maison du thé. Intentionnellement, sa conception fait qu’il est difficile d’y marcher, obligeant les gens qui vont prendre part à la cérémonie à se concentrer sur leur marche, s’éloignant de leurs problèmes quotidiens. Le sentier les prépare pour cette attitude relaxée et méditative qui coïncide avec l’esprit de la cérémonie.

 

 

A l’entrée de la maison du thé, un bassin est utilisé par l’invité pour se nettoyer et se purifier de la poussière et des vestiges du monde extérieur. Ce bassin renforce l’idée que la cérémonie se réalise complètement en dehors du monde extérieur, et que le temps est venu de s’y consacrer physiquement et spirituellement.

 

 

La chambre du thé elle-même est habituellement construite à part de la maison. Il existe, au Japon, des écoles spéciales d’architecture dans lesquelles des architectes et des charpentiers se dévouent uniquement et totalement à la conception et à la construction des chambres de thé.

 

 

C’est une petite pièce, avec deux portes, une pour l’hôte, l’autre, plus basse, sorte de "demi-porte", pour l’invité.

 

 

Cette petite porte témoigne de l’esprit tout à fait "démocratique" de la cérémonie du thé. Le statut extérieur de chacun des participants disparaît, la position sociale en dehors des murs de la chambre du thé n’existe plus. La petite porte réalise cette performance en forçant chacun, balayeur ou ministre, à s’incliner bien bas pour entrer, tout en regardant ses pieds, rappelant à tous l’importance tout à fait relative des titres et de la position sociale. "Peu importe la grandeur d’un homme, il perd son statut dans la chambre du thé" (Le livre du thé).

 

 

Dans l’exécution de la cérémonie du thé, l’attitude doit correspondre strictement avec le rituel, sans rapport aucun avec les événements extérieurs. Si conversation il y a, elle doit être appropriée. Par exemple, à certains moments de la cérémonie, l’invité peut faire des commentaires sur la recherche artistique du bol de thé, ou remercier l’hôte du plaisir éprouvé.

 

 

Traditionnellement, le karaté devrait être aussi séparé et distinct de la vie ordinaire que la cérémonie du thé. Quand un karatéka met son karaté-gi et sa ceinture, il est censé sortir de son existence normale. Le temps n’est plus à la discussion à propos des problèmes de tous les jours, ceux-ci doivent disparaître à l’intérieur du dojo. Le temps dans le dojo doit être consacré quasi-religieusement au karaté et à rien d’autre.

 

 

Ce haut degré de concentration et ce "divorce" d’avec la vie quotidienne seuls permettent la réalisation de cet état de paix et de transcendance, but ultime de tout art trouvant son fondement dans le Zen.

 

 

Les pratiquants de la cérémonie du thé parlent du "flux des mouvements", une expression qui rappelle le flux des mouvements dans la réalisation du kata. Ce flux énergétique à travers les mouvements codifiés des deux disciplines semble diriger toute l’exécution, l’esprit complètement libéré.

 

 

Un des objectifs de la cérémonie du thé est, pour les participants, de se débarrasser de leur "ego" à travers les mouvements, par la concentration requise. Cet état de "vacuité" de l’esprit est le point où le pratiquant peut "s’oublier lui-même et laisser les mouvements venir".

 

 

Cette sensation est directement comparable à la transcendance ressentie à un très haut niveau, dans l’exécution d’un kata, lorsque le flux des mouvements se déroule harmonieusement, avec une grande fluidité, sans contrôle apparent de la conscience. L’esprit, ou l’âme, semble alors avoir été complètement libéré par cette sorte de méditation en mouvement. L’accomplissement dégage une impression de facilité pour l’observateur, l’exécutant prouvant alors une présence totale en même temps qu’un profond détachement. La technique étant complètement acquise et assimilée, l’expert peut, à présent, la dépasser.

 

 

Bien que les mouvements du thé et du karaté soient hautement stylisés et ritualisés, il y existe toujours des espaces de créativité et de liberté d’expression. Le pratiquant expert, alors dans l’état de "mushin", peut exécuter la cérémonie ou le kata avec naturel, sans effort. Il respecte à la lettre tout ce qui est prescrit mais fait refléter sa propre personnalité dans la réalisation.

 

 

Dans la cérémonie du thé, l’hôte "agit", et l’invité "réagit", mais ce dernier peut néanmoins y expérimenter la paix, l’harmonie et la transcendance. Il y a beaucoup à faire et à dire pour l’invité aussi, et, à l’instar des mouvements de l’hôte, tout est strictement prescrit.

 

 

En karaté, le kata consiste en une succession de mouvements permettant à l’exécutant de pratiquer inlassablement, jusqu’à ce que l’esprit soit conscient de tout, et par conséquent de rien en particulier. La cérémonie du thé est régie selon un principe de fonctionnement rigoureusement identique. Du point de vue du spectateur, les mouvements peuvent paraître assez compliqués. Comment font-ils pour n’oublier aucun geste, même le plus insignifiant et qui paraît sans importance, comment font-ils pour se souvenir du geste suivant, ou comment plier le morceau de tissu de soie rouge ? L’exécutant a répété ces mouvements depuis si longtemps et tant de fois qu’il vise, en fait, la même forme de "conscience" ou de "non-conscience" que celle du karatéka dans le kata.

 

 

La discipline détient une large part dans la pratique du karaté. Il faut se discipliner pour en accepter la rigueur imposée par le sensei, la rigueur imposée par la pratique quotidienne et inlassable, la rigueur imposée par la répétition journalière des mêmes techniques. Les règles du dojo doivent être respectées, et les techniques travaillées continuellement. A un certain stade, cette discipline devient naturelle, sans aucun effort, comme une seconde nature. Idem pour la cérémonie du thé. Cela devient évident dès l’instant que l’hôte entre dans la pièce. Elle est silencieuse jusqu’au moment où vient la nécessité de parler, comme prescrit ; ses mouvements se déroulent sans hâte et avec grâce. Ses pas sont parfaitement mesurés, et elle regarde loin devant, sans aucune dispersion. La dignité et la discipline sont parfaitement apparentes.

 

 

Alors que, a priori, le karaté puisse apparaître comme une forme violente de pratique, il faut découvrir, au-delà des mouvements eux-mêmes, l’esprit qui s’y cache. Il suffit d’observer le comportement d’un bon karatéka pour comprendre cette notion. Quand le kata est terminé, il n’y a aucune dispersion dans les gestes ou dans le regard, rien d’autre qu’un grand calme et une grande quiétude. Le corps du karatéka, une extension de son esprit, n’éprouve aucun besoin de bouger ou de s’agiter, on ressent simultanément chez lui une grande présence (l’ici et maintenant), et un grand détachement.

 

 

Les manifestations extérieures de l’esprit peuvent paraître différentes, violentes dans le karaté, paisibles dans le thé ; peu importe, l’esprit intérieur lui est le même. Dans les deux cas, un sentiment de paix envahit le pratiquant, qui cultive son esprit et transcende le quotidien.

 

 

Pour le karatéka, un coup de pied n’est plus un coup de pied, un coup de poing n’est plus un coup de poing. Ils perdent leur statut d’armes de destruction et se transforment en outils pour la réalisation de soi et l’édification de la personnalité.

 

 

Dans la cérémonie du thé, la finalité n’est pas de boire ce liquide vert et amer, mais l’harmonie et la tranquillité de la cérémonie elle-même.

 

 

Le maître de thé et l’expert en karaté placent leur vue beaucoup plus haut que les simples récompenses physiques de leurs actions. Ils recherchent tous deux un état de conscience et de paix profonde trouvé nulle part ailleurs.

 

Et le Zen, fondement des arts qu’ils pratiquent, les aide à trouver cet état.

Article paru dans la revue "Officiel karaté" n°74, traduit de l’anglais et réécrit par Gérard Chemama. Article original : The Zen experience : Karate and the Tea, by Keith W. Strandberg.(article trouvé sur le site de
Guillaume Jouis)

 

A propos de Gérard Chemana
 

6ème dan de karaté, Gérard Chemama gravit tous les échelons de cette discipline. Entraîneur de l'équipe de France où il obtient des résultats au niveau mondial, cadre technique national, puis initiateur d'un département formation, il prépare les enseignants au Diplôme d'Etat et les formateurs d'enseignants.

Sa maîtrise des arts martiaux, son expérience en matière de formation mentale et de gestion du stress, son expertise dans les techniques énergétiques et sa pratique de la musique en tant que clarinettiste amateur le mènent à élaborer une méthode reconnue basée sur le rapport entre le vécu corporel et énergétique et la dimension artistique.

Il intervient dans les conservatoires et les CEFEDEM (Ecoles de formation d'enseignants en musique), où il enseigne, entre autres, la dimension scénique et la créativité. Sophrologue et Relaxologue certifié, Praticien en PNL, formé en Analyse Transactionnelle, il est également spécialisé dans le coaching individuel et la cohésion de groupe en systèmes organisés.

Sa grande compétence dans les approches corporelle, martiale, énergétique, et la gestion du stress, lui permettent d'aborder tous les types d'objectifs sous une forme très originale, privilégiant d'abord profondément toute la dimension non-verbale et corporelle de la communication, pour aboutir à un parfait alignement et beaucoup d'harmonie dans les relations individuelles et de groupes, même difficiles, voire conflictuelles.(source Rea active.com)

Lire à ce sujet l'interview de Gerard dans le magazine entreprendre
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