*Le samouraï

1/2/10

Article d' Edouard Guimel publié le 31 janvier 2010 sur le site Hauts grades maçonniques

A l’image du chevalier médiéval, le Samouraï demeure l’archétype idéal de la société traditionnelle japonaise et en constitue, de par son éthique, l’axe central comme la figure héroïque la plus achevée.

 

 

 

En tant que référence, il se devait de poursuivre une voie ascétique,à la fois spécifique et rigoureuse dont l’achèvement aboutissait à créer un guerrier où rayonnaient : maîtrise de soi, détachement, fidélité et sacrifice.

 

 

 

Ces valeurs, présentes en d’autres temps et d’autres lieux, expliquent que pour ces hommes, la Guerre ne fut perçue que positivement car elle était, avant, tout l’expression matérielle de l’éternel combat de l’Ordre contre le Chaos.

 

 

 

Par ailleurs, à travers : actes guerriers, sacrifices et rituels, la Guerre autorisait aussi l’homme à exprimer « son Roi intérieur ».

 

 

 

Dès lors, elle lui permettait l’accès à une Voie de Réalisation Supra-humaine, à partir de laquelle il s’identifiait à un principe supérieur, à une entité céleste, élément d’une armée divine.

 

 

 

Pour le guerrier traditionnel, la Vie et la Mort étaient ainsi assimilées à deux « réalités projetées » issues d’une même Supra-Réalité Spirituelle.

 

 

 

Du fait de son éducation, le samouraï ressentait la fragilité de l’Existence comme l’irréversibilité du Destin et dans ces moments uniques, il communiait avec l’essence première des choses.

 

 

 

Il se métamorphosait alors en un être bienveillant dont le cœur s’ouvrait spontanément à la beauté d’une fleur ou d’un paysage.

 

Un tel état d’esprit le préparait tant à « bien mourir » qu’à s’émerveiller sur les splendeurs de la Création :

 

 

 

« …Bien qu’ils vous surprennent furtivement à votre couche tandis que vous veillez dans le silence de la nuit, ne les chassez pas mais caressez-les :

 

le parfum des fleurs, le tintement des cloches lointaines, le bourdonnement d’un insecte dans la nuit froide… ».

 

 

 

Cette conception fut ainsi directement à l’origine de l’univers culturel raffiné du samouraï qui excellait autant dans l’art floral que dans la calligraphie, la cérémonie du thé ou la poésie, néanmoins, son unique finalité demeurait la mort, qu’il acceptait très tôt, avec sérénité et qu’il espérait avec splendeur :

 

 

 

« …Puisse notre mort être aussi soudaine et aussi propre qu’un cristal qui se brise ! Si seulement, nous pouvions tomber comme les fleurs de cerisier au printemps…si pures, si lumineuses ! ».

 

 

 

Pour le samouraï, la mort était cette compagne, dont l’acceptation et la compréhension lui permettaient de profiter d’une humeur égale, des joies comme des peines propres à la condition humaine.

 

 

 

Cet état de conscience de la mort était obtenu au décours de longues et profondes méditations portant à la fois sur le sens et sur la nature de celle-ci.

 

 

 

Avec le temps, le samouraï parvenait à obtenir un état de « vacuité intérieure » exprimant un mental pur et non troublé (mushin) qui l’autorisait à accepter et à accomplir, dans le plus parfait détachement, sa destinée.

 

 

 

Sans peur, sans haine et sans regrets, il apparaissait alors comme un homme « réalisé » :

 

 

 

« …Un bushi n’aime ni ne hait aucune créature. Il est sans passion, sans doute et n’éprouve ni regret dans la défaite, ni joie dans la victoire. Il est un Univers de Paix et accomplit avec Sérénité, les devoirs de son état… ».

 

 

 

Ayant acquis cette prescience qui le confirmait dans sa vision de certitude en l’Eternité, le samouraï ne faisait plus aucune distinction entre la Vie et la Mort, dès lors, il adoptait cette singulière attitude résumée comme suit :

 

 

 

« …Je n’ai ni vie ni mort. L ‘Absolu est ma vie et ma mort… ».

 

 

 

Ainsi en dédramatisant la mort, il épousait celle-ci. En choisissant le juste instant et la noble manière de disparaître, il sublimait l’art du « bien mourir » au travers soit : d’une fin au combat ou d’un trépas qu’il pouvait s’infliger lui-même, pour sauver son honneur ou celui de son seigneur.

 

Le samouraï, guerrier flamboyant, savant dosage d’orgueil et d’humilité, de force et de fragilité, fut et demeure le modèle du combattant de la Vérité dont le but fut davantage de protéger la Vie que la forme, elle-même, animée par celle-ci.

 

 

 

Ayant perçu d’emblée que la mort est aussi inexistante et illusoire que l’ego qui la craint et la conçoit, il ne pouvait sortir que victorieux du combat qui oppose le corps à l’esprit et transcender la vie comme la mort :

 

 

 

« … Yoshiteru avait revêtu l’armure de son prince, afin d’attirer sur lui les coups de ses ennemis et lui donner le temps de fuir. Il savait, bien sûr, ce que cela signifiait pour lui, mais il n’eut même pas l’ombre d’un regret lorsque vint le moment du sacrifice.

 

Il grimpa en haut de la tour de la seconde porte d’enceinte dominant la cour envahie et, pour bien attirer l’attention sur lui, fit tomber la rambarde de la fenêtre où il apparut.

 

D’une voix forte, il cria le nom de celui qu’il sauvait par ce geste :

 

 

 

-Je suis le prince de sang Son-un, second fils de l’Empereur Go-Daigo, quatre-vingt-quinzième empereur depuis Jimmu Tenno, l’illustre descendant de la déesse Amaterasu Omikami ! Venez et regardez !

 

Vous m’avez vaincu mais je me détruis moi-même afin de venger mes torts dans l’Au-delà.

 

Regardez-moi bien, afin que vous appreniez comment un homme de guerre s’ouvre le ventre lorsque la chance lui fait défaut…

 

 

 

Et se dépouillant de son armure, il la jeta pièce par pièce aux pieds des samouraï ennemis, puis la veste à manches étroites qu’il portait sous les lames de fer. Alors lentement, un sourire de défi aux lèvres, il entama de son poignard la peau blanche de son ventre mis à nu. Sans un tremblement, il coupa de gauche à droite et jeta lui-même ses entrailles devant lui. Enfin, déjà mort, il mit son sabre dans la bouche  et se laissa basculer en avant…

 

 

 

Telle fut la fin du samouraï Yoshiteru, qui mourut sous le nom de son seigneur… ».

Edouard GUIMEL


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